Mon frère Orphée

André Gâteau. Né à Sens, le 4 Juin 1921. Son père était garagiste. Dès l’enfance les engins mécaniques l’entourèrent qui devaient former le décor de sa vie. Mais il n’apporta jamais une grande attention à ce qui se tient hors de lui-même : il n’a d’yeux et d’oreilles que pour les voix et les images intérieures. Il avait huit ans quand son père mourut. Déjà, il essayait d’arranger des mots en forme de chansons. Il était souvent malade. Élève distrait, il quitta l’école à quatorze ans ; il savait l’orthographe et les principales règles de grammaire, il avait lu Racine et Buffalo Bill. Il fit son apprentissage de mécanicien. Dans le grenier, il y avait de vieux livres, une harpe qui avait perdu la moitié de ses cordes. Dans la cour, il y avait des chiens. Des livres, une harpe, des chiens : il ne lui en faut pas plus pour oublier les monstres de ferraille sans cœur et sans musique. Dans le même temps, l’amitié qui l’unissait à Robert Clausard et René Cousin devenait peu à peu une véritable fraternité élective. La guerre. L’entrée en usine qu’il n’a pas quittée depuis, sauf pour aller en Allemagne (S.T.O.). Mais l’Allemagne, c’était encore l’usine. Les poèmes s’inscrivent dans la cire de sa mémoire. Cet ouvrier qui chantonne dans le bruit des machines, il se répète les mots qu’il a trouvés. Il écrit à de grands écrivains. Quelques-uns lui font l’aumône d’une réponse. Ah ! l’admirable lettre de Romain Rolland. Ce viatique d’espérance est resté dans les cendres du Reich. Avec René Cousin, il va chez Georges Duhamel qui les reçoit avec bienveillance. En plus de nombreux poèmes, il a rempli de ses réflexions quelques cahiers, il a écrit La Petite Suite Évangélique, bref commentaire poétique de la vie de Jésus, une pièce de théâtre : Dom Juan le Magnanime.