J'étais S.T.O.

Au fur et à mesure de l’occupation de l’Europe par les Nazis, le Gauleiter Sauckel, négrier du siècle, réquisitionne la main-d’œuvre exigée par l’industrie de guerre allemande. Ainsi, 900.000 jeunes Français, recensés par le S.T.O., le Service du Travail Obligatoire, partent pour l’exil et l’esclavage. Né en 1921, Jean-Louis Quereillahc, étudiant à la Faculté des lettres et de droit de Paris, passe du Boul’ Mich’ au travail forcé dans une aciérie occupant 13.000 déportés, parmi lesquels des Belges, des Hollandais, des Italiens, des Polonais, des Russes et 3.000 Français. Du jour au lendemain, il devient un maillon d’une chaîne humaine qui, à un rythme infernal, dans une atmosphère âcre de gaz brûlés, enfourne des lingots d’acier dans des fours incandescents. Réduit à l’état d’automate, avare de ses gestes et de son souffle, son cœur bat à tout rompre à la moindre erreur susceptible de casser la terrible cadence, et de provoquer l’irruption redoutable du contremaître autrichien. Le bagne, il est au bagne. Un bagne encore plus abominable, dans le cauchemar des bombardements et de la prison, quand les Alliés débarquent en Normandie. Un bagne où les hommes s’entraident souvent, et où fleurit parfois une amitié pure. Celle de Jean-Louis Quereillahc est russe et blonde, et se nomme Véra. Vient l’heure de la libération par l’armée rouge. Pour Quereillahc et ses compagnons, la route de la liberté passe à travers les ruines et les misères de l’Europe dévastée, et par Odessa. Un soir de 1945, quelqu’un pousse la porte du Dupont Latin. Le décor du café n’a pas changé, le même garçon sert à la table familière. Nul ne le reconnaît. Mais aussi, qu’est-il venu chercher ici ?