La geste de Roland

Depuis cent cinquante ans, les Français ont été éduqués à voir dans la "Chanson de Roland" leur premier et "peut-être leur seul poème national".  
Et si cela n'était que l'effet de l'idéologie tout au long d'un siècle et demi marqué de guerres et aveuglé de nationalisme ?  
Faisant la somme des recherches antérieures, inaugurant de nouvelles méthodes, Robert Lafont prend à revers les assurances simples et construit une autre histoire de l'épopée médiévale.  
De cette épopée, il découvre la matrice formelle à la fin du XIe siècle dans une cérémonie poétique, chantée et dansée, de Conques en Rouergue. Il la vérifie dans le manuscrit du Roland conservé à Oxford. Il suit ainsi sur le Chemin de Saint-Jacques, dans une société de moines, de pèlerins, de guerriers, de marchands et de colons le mysticisme et le fanatisme chrétiens, l'appétit de pouvoir de la nouvelle catégorie sociale des chevaliers et les intérêts des grandes familles régnantes. Le Roland que nous lisons, amplification d'une œuvre navarraise en langue d'oc, est un poème normand, détourné après 1150 à l'usage de la couronne de Paris, mais d'abord chargé d'élever en gloire des héros occitans et normands.  
Cette grande étude aborde aussi les problèmes d'une autre geste, celle de Guillaume, et d'autres genres, la Chanson d'histoire ou l'épopée satirique. Elle croise les enseignements de l'histoire euro­péenne avec l'analyse formelle des textes, les interrogations socio­ logiques avec la linguistique. Elle décode bien des aspects jusqu'ici inaperçus des chefs d'œuvre littéraires médiévaux.  
Elle s'achève dans le retournement du début du XIIIe siècle la Croisade dite des Albigeois est prêchée contre des populations chrétiennes, tandis que Toulouse exalte dans une autre grande épopée la tolérance face à "l'orgueil de France".