La Spirite

« — Cher prince, vous ici ?
— Comment, c’est toi, Pierre ! à cette heure et solitaire dans cette avenue ?
— Oui, docteur ; oui, mon ami ; répondit en souriant finement sous sa longue moustache blonde le jeune prince Pierre Chéréteff. — J’ai abandonné ma voiture, désirant jouir pleinement de cette matinée ensoleillée ; l’automne nous en offre si peu de semblables ! Docteur, cet enfant terrible que vous rendez à la vie, comment va-t-il ?
— A merveille ! répondit Angélo ; et jespère
— Te battre de nouveau, n’est-ce pas, Don Juan ?
Puis-je savoir de quelle nature est ce problème que vous cherchiez à résoudre au moment où je suis venu interrompre votre..... votre étude ; est-ce bien là le mot ?
— Parfaitement, dit le docteur. Cher prince, je vous préviens que je ne défends aucune théorie ; j’expose, voilà tout. Avez-vous entendu parler du spiritisme ?
— Oui ; on s’en occupe beaucoup en Russie, mais je n’ai jamais essayé de tenter ces expériences que je considère comme la révélation fantaisiste de mystères que nul ne peut dévoiler.
— Je pensais comme toi, Pierre... murmura d’une voix émue le comte Luzzoni.
— N’allez pas si vite ; et n’essayez pas d’expliquer au prince Chéréteff l’existence de phénomènes qui, n’étant pas subitement appuyés sur des faits incontestables, semblent tenir du charlatanisme ou de la folie.
— Je vous avoue que je suis rebelle ; quoi que vous fassiez, vous n’arriverez pas à me convaincre.
— Prince, il ne faut jurer de rien : n’êtes-vous pas quelque peu idéaliste ?
— Être idéaliste c’est, dit-on, une tendance fâcheuse à la fin du XIXe siècle. Je suis un sceptique enragé. »

Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIX^e siècle.